Premier épisode : les études, c’est bien et après !

Article : Premier épisode : les études, c’est bien et après !
Crédit: TV5MONDE
10 juillet 2021

Premier épisode : les études, c’est bien et après !

« Un universitaire est un créateur d’emploi», c’est cette phrase que j’entends. On l’utilise souvent pour intimider ceux qui finissent leur cursus académique. Ceux qui sont livrés à eux-mêmes pour essayer de trouver une issue, ceux qui doivent faire aux difficultés de la vie, ceux qui doivent travailler, mais à qui on demande plusieurs années d’expérience de travail, alors qu’ils n’ont que leurs études.

Devant les offres d’emploi, ils ont peur de postuler, ils se disent incompétents, ils pensent que l’avenir n’est réservé qu’aux autres. Beaucoup comme moi se trouvent dans ce genre de situations, où il est impossible de réagir. Qui puis-je accuser ?, qui est à la base de mon sort actuel ?

Voilà moi qui suis le produit de plusieurs années d’études. J’en viens à être ridiculisé. Certains ne peuvent jamais réaliser que sortir de ces dix-huit années d’études, c’est un parcours des vaillants. Et alors la question qui revient : que faites-vous après vos études ? Comme si l’emploi s’arrachait ou que je me contentais de ma condition.  La question est inévitable. On me la pose aussi. Je  manque de réponses. Je me sens victime d’un système scolaire et académique qui ouvre certains à un meilleur avenir et alors que d’autres se sentent presque sacrifiés.  

Ce poids social après les études ?

Je sens la liberté, mais aussi un poids social. Lorsque la société t’a tout donné pendant dix-huit ans d’études, tu lui dois beaucoup en retour. Moi aussi, je suis redevable. Je suis dans un milieu, où on estime que les études sont sans doute un meilleur cadeau que les parents offriraient à leurs enfants. Cette conception est partagée par beaucoup de gens. Mes parents y croient aussi. Toute la société te regarde, attendant que tu fasses autant aux autres ce qui t’a été rendu. Pour le coup, je parle d’un système social auquel j’appartiens.

Dans ce système, la redevabilité est le sens de loyauté. Terminer ses études est synonyme de trouver du travail. Je ne sais pas si vous le vivez, mais je parle des réalités que racontent certains africains. C’est vrai que ce n’est pas seulement propre à l’Afrique. Pourtant ce sont des histoires vraies. Dès que vous devenez licencié. Pour les parents qui se sont dépensés pour toi, c’est que vous avez trouvé du travail ou parfois vous travaillez même. C’est dans ce schéma que se retrouvent plusieurs jeunes africains. J’ai donc tout le poids de la famille sur les épaules.

Comment trouver du travail?

Ce jour-là, après avoir passé dix-huit ans d’études, je me dis que je suis enfin soulagé. Je peux avoir le temps pour moi-même. Je peux croire au mot « liberté ». Je peux trouver du travail, essayer ce que les autres n’ont pas pu, imaginer que ma vie changerait du jour au lendemain. Que de beaux espoirs ! Rien ne me faisait penser à la dureté de la vie. Je me souviens que sur le campus, avec les amis, on partageait beaucoup de bonnes choses. Je m’imaginais qu’à chaque fois, je devais avancer, il n’y aurait aucun obstacle. Pourtant la vie a ses réalités. Celles qui m’ont fendu le cœur.

Aujourd’hui je cherche du travail sans en trouver. Je me demande pourquoi le monde est injuste. Pourquoi il n’y a que ceux qui en trouvent facilement et d’autres non ? Non, le monde est injuste. Je finis par me rendre compte que je ne suis pas seul dans pareille situation. Mais ça me fait mal. Je ne dors presque plus. Je n’ai plus envie de vivre. Je sens comme si tout s’arrêtait pour moi. Souvent, je me dis à quoi bon passer toutes années à étudier pour faire face à tout ça. Malgré mes inquiétudes, je suis seul, je dois me battre. Je dois avoir un discours à tenir aux autres. Beaucoup attendent de moi sans parfois que je ne le sache.

Par contre, je me retrouve dans un environnement, où personne n’est sensible à ta situation. Et là, il n’y a que toi pour t’en sortir. Tu te demandes comment ? Mais il n’y a que toi pour répondre à la question. Alors que je peux facilement voir les autres décrocher le boulot. Moi, je suis en train de galérer. La chance qu’ils ont eue, c’est d’être pistonné. Mais moi je n’en ai pas. Et il n’y a que moi pour m’en sortir. Je suis resté isolé, abandonné à moi-même, mais obligé d’errer partout sans solution.

Le défi à relever

On me répète souvent cette phrase : « les universitaires sont des créateurs d’emplois ». Et c’est vrai, on étudie non pas pour demander de l’emploi, mais pour en créer. Je suis totalement d’accord avec cette façon de penser. C’est certes stimulant. Et s’il faut créer une entreprise, il faut surement des moyens, que je n’ai pas. J’entends certains dire que l’idée est d’abord essentielle. Je ne pense pas me tromper. Cependant il se trouve que plein d’idées  pourrissent sans être financées. Les banques n’octroient des prêts qu’à ceux qui ont des moyens. Alors imaginez qu’un monsieur comme moi qui vient de finir ses études. Puis-je facilement trouver des prêts pour démarrer une entreprise ? C’est compliqué. Les gens n’ont pas le droit de me regarder comme si on ne faisait rien, alors que je fournis quand même des efforts pour m’en sortir. Je reste optimiste. Je vis de l’espoir. Je fais comme si ça allait, alors qu’en réalité il n’y a rien de bon.

Ce texte fait partie d’un projet d’écriture qui consiste à raconter de vraies histoires de la vie.

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