RDC : l’état de siège doit être une solution durable
Depuis mai 2021, le chef de l’Etat Félix Tshisekedi décrète l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Cette décision a été unanimement saluée par les forces politiques au pays. L’état de siège est la solution à la guerre dans l’est de la République démocratique du Congo. Sans attendre, Félix Tshisekedi a nommé les gouverneurs militaires dans les provinces précitées.
Ces derniers doivent donc faire face aux défis sécuritaires et sociaux auxquels sont confrontées les populations. Ainsi, l’état de siège veut dire concrètement que la République démocratique du Congo a lancé ouvertement la guerre aux groupes armés. Et lorsqu’on parle de la guerre, il faut disposer suffisamment de moyens financiers et humains pour mieux la faire. Or, mon pays n’a pas assez de moyens financiers.
L’état de siège doit être une solution durable
Dans l’est du pays, ce n’est pas la première fois que le gouvernement lance des opérations militaires. Même si l’état de siège paraît la plus grande des opérations jamais engagées, je pense qu’il faut réfléchir aux résultats. Je le souligne pour deux raisons. La première, c’est qu’il risque de s’installer une confusion entre affaires politique et militaire. Souvent, les hommes politiques ont l’habitude de profiter de ce genre d’opportunités pour rassurer et séduire la population. Ce qui, pour beaucoup, semble normal.
Deuxième raison, il y a lieu que les discours politiques l’emportent sur le travail à faire concrètement dans les provinces concernées. Comme le président de la République, Félix Tshisekedi est maître de sa décision. Et comme on aime à l’appeler, « le garant du bon fonctionnement des institutions ». Il agit sur deux axes vitaux pour sa réélection en 2023. D’un côté, convaincre en politique pour gagner des points pour l’avenir, de l’autre faire la guerre pour maintenir son positionnement. Malgré cela, il est donc important qu’il élabore une bonne stratégie militaire.
C’est pourquoi, je pense que la participation des autres nations est indispensable. C’est vrai qu’on n’aime pas trop en parler. Pourtant, les uns estiment que c’est une question de souveraineté. Ouvert à la possibilité d’associer d’autres nations, Félix Tshisekedi promettait une opération musclée lors de son séjour à Nairobi, au Kenya, le 21 avril 2021. C’était une semaine avant de décréter l’état de siège.
« Les troupes Kenyanes vont arriver en RDC dans les semaines qui viennent pour appuyer nos forces armées afin d’attaquer de la manière la plus efficace qui soit ce problème de terrorisme et de violence à l’Est de notre pays », indiquait Félix Tshisekedi.
J’espère bien qu’au bout d’un moment, on aura des résultats escomptés. J’estime qu’il faille une stratégie coordonnée au niveau des États dans la région des Grands Lacs pour mieux contrer les groupes armés.
Il faut impliquer les populations
Je crois que la réussite de l’opération va aussi dépendre du niveau de collaboration avec les populations locales. C’est très important. Ce sont elles les premières victimes. Elles savent d’où viennent les rebelles et maîtrisent mieux leur mode opératoire. Il me semble qu’il faut leur faire confiance. Mais, ce que je crains aussi, c’est le désintérêt aux problèmes sociaux. Parce que les autorités militaires nommées sont établies pour des visées stratégiques, elles risquent de concentrer leurs efforts sur des questions militaires plutôt que sociales.
Il faut plutôt impliquer les populations et répondre à leurs préoccupations. Pourquoi ? La crise sécuritaire qui sévit depuis une vingtaine d’années a non seulement causé des milliers de morts, mais a aussi fragilisé l’économie locale. Ainsi, les gens vivent constamment dans la peur. Impossible pour eux de cultiver : « ils risquent de se faire égorger ». Ce genre de fantasmes sont partagés parce qu’ils sont vrais.
Alors que d’autres personnes vivaient encore de petits commerces transfrontaliers, aujourd’hui, il est carrément difficile de pouvoir en vivre. Les groupes armés qui occupent certaines localités et routes constituent un danger. Les enfants ne vont plus à l’école dans certaines contrées, soit parce que les écoles ont été détruites, soit parce que les parents ne peuvent plus laisser les enfants fréquenter des milieux dangereux.
C’est pour dire qu’au-delà de la militarisation des institutions dans les provinces concernées par l’état de siège, il doit s’instaurer la confiance. Je plaide pour que les conditions de vie de la population soient la préoccupation centrale des autorités militaires.
Ronsard Luabeya
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