RDC : l’état de siège doit être une solution durable

Article : RDC : l’état de siège doit être une solution durable
Crédit: Libre Afrique
7 juin 2021

RDC : l’état de siège doit être une solution durable

Depuis mai 2021, le chef de l’Etat Félix Tshisekedi décrète l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Cette décision a été unanimement saluée par les forces politiques au pays. L’état de siège est la solution à la guerre dans l’est de la République démocratique du Congo. Sans attendre, Félix Tshisekedi a nommé les gouverneurs militaires dans les provinces précitées.

Ces derniers doivent donc faire face aux défis sécuritaires et sociaux auxquels sont confrontées les populations. Ainsi, l’état de siège veut dire concrètement que la République démocratique du Congo a lancé ouvertement la guerre aux groupes armés. Et lorsqu’on parle de la guerre, il faut disposer suffisamment de moyens financiers et humains pour mieux la faire. Or, mon pays n’a pas assez de moyens financiers.

L’état de siège doit être une solution durable

Dans l’est du pays, ce n’est pas la première fois que le gouvernement lance des opérations militaires. Même si l’état de siège paraît la plus grande des opérations jamais engagées, je pense qu’il faut réfléchir aux résultats. Je le souligne pour deux raisons. La première, c’est qu’il risque de s’installer une confusion entre affaires politique et militaire. Souvent, les hommes politiques ont l’habitude de profiter de ce genre d’opportunités pour rassurer et séduire la population. Ce qui, pour beaucoup, semble normal.

Deuxième raison, il y a lieu que les discours politiques l’emportent sur le travail à faire concrètement dans les provinces concernées. Comme le président de la République, Félix Tshisekedi est maître de sa décision. Et comme on aime à l’appeler, « le garant du bon fonctionnement des institutions ». Il agit sur deux axes vitaux pour sa réélection en 2023. D’un côté, convaincre en politique pour gagner des points pour l’avenir, de l’autre faire la guerre pour maintenir son positionnement. Malgré cela, il est donc important qu’il élabore une bonne stratégie militaire.
C’est pourquoi, je pense que la participation des autres nations est indispensable. C’est vrai qu’on n’aime pas trop en parler. Pourtant, les uns estiment que c’est une question de souveraineté. Ouvert à la possibilité d’associer d’autres nations, Félix Tshisekedi promettait une opération musclée lors de son séjour à Nairobi, au Kenya, le 21 avril 2021. C’était une semaine avant de décréter l’état de siège.


« Les troupes Kenyanes vont arriver en RDC dans les semaines qui viennent pour appuyer nos forces armées afin d’attaquer de la manière la plus efficace qui soit ce problème de terrorisme et de violence à l’Est de notre pays », indiquait Félix Tshisekedi.


J’espère bien qu’au bout d’un moment, on aura des résultats escomptés. J’estime qu’il faille une stratégie coordonnée au niveau des États dans la région des Grands Lacs pour mieux contrer les groupes armés.

Il faut impliquer les populations

Je crois que la réussite de l’opération va aussi dépendre du niveau de collaboration avec les populations locales. C’est très important. Ce sont elles les premières victimes. Elles savent d’où viennent les rebelles et maîtrisent mieux leur mode opératoire. Il me semble qu’il faut leur faire confiance. Mais, ce que je crains aussi, c’est le désintérêt aux problèmes sociaux. Parce que les autorités militaires nommées sont établies pour des visées stratégiques, elles risquent de concentrer leurs efforts sur des questions militaires plutôt que sociales.


Il faut plutôt impliquer les populations et répondre à leurs préoccupations. Pourquoi ? La crise sécuritaire qui sévit depuis une vingtaine d’années a non seulement causé des milliers de morts, mais a aussi fragilisé l’économie locale. Ainsi, les gens vivent constamment dans la peur. Impossible pour eux de cultiver : « ils risquent de se faire égorger ». Ce genre de fantasmes sont partagés parce qu’ils sont vrais.

Alors que d’autres personnes vivaient encore de petits commerces transfrontaliers, aujourd’hui, il est carrément difficile de pouvoir en vivre. Les groupes armés qui occupent certaines localités et routes constituent un danger. Les enfants ne vont plus à l’école dans certaines contrées, soit parce que les écoles ont été détruites, soit parce que les parents ne peuvent plus laisser les enfants fréquenter des milieux dangereux.
C’est pour dire qu’au-delà de la militarisation des institutions dans les provinces concernées par l’état de siège, il doit s’instaurer la confiance. Je plaide pour que les conditions de vie de la population soient la préoccupation centrale des autorités militaires.

Ronsard Luabeya

Partagez

Commentaires

Rémy MUTEBA KALONJI, Chercheur en Communication
Répondre

Cher ami, je salue l'ampleur de ce point de vue Centré sur cette période de geurre décrétée par le Chef de l'Etat. Avec un regard pointu, toute objectivité, j'adhère à vos avis qui offrent bien de repères pour l'efficacité des actions amorcées déjà. Il s'agit d'un souci de soulager son peuple mais aussi de la préparation lointaine des échéances venant.

Après avoir ruminer et mâcher à pâte cette opinion, je formule ma réflexion en contribution.
L'état de siège en décrété par le chef de l'État Félix Tshisekedi dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri est « une argutie juridique et une rhétorique creuse ». il serait inadapté à la crise sécuritaire de l'est.
L'état de siège est un transfert de pouvoir des autorités civiles aux militaires, ne constitue qu'une approche minimaliste qui voit les menaces sous le seul angle militaire, alors qu'il y a d'autres implications qui requièrent d'autres approches, notamment des approches sociales, communautaires, politiques, etc. Une démarche systémique conviendrait le mieux.

C'est pourquoi je m'associe au Professeur, Politologue Chobber pour proposer faire remarquer que :
« Au sein même de l'armée il y a un dysfonctionnement qui constitue une entrave au professionnalisme, à l'efficacité de cette armée, notamment le sous-équipement des militaires, le problème de la motivation des militaires, la rupture de confiance dans certains milieux, comme dans le territoire de Djugu en Ituri, où vous allez constater que les miliciens bénéficient de la complicité de certains membres de leurs communautés, il y a aussi la question liée au faible encadrement de jeunes qui les prédisposent à s'enrôler au sein des groupes armés, autant de questions qui expliquent de manière tout à fait claire, le fait que l'état de siège qui sera décrété ne va pas apporter des solutions durables au problème sécuritaire de l'est. Utile de pauser un diagnostic exact des racines, des causes profondes de cette insécurité, avant de prendre un train de mesures adaptées aux agrégats du dedans et du dehors, c'est-à-dire aux dynamiques sécuritaires du terrain

9 propositions pragmatiques et adaptées aux enjeux de cette situation suffisent

1. La restructuration de l'armée autour d'une chaîne de commandement des professionnels et des patriotes ;

2. L'allocation des moyens logistiques et financiers conséquents aux militaires, tout en instaurant la transparence dans la gestion de ces moyens et les contrôles efficaces en vue d'éviter le détournement par les officiers et le transfert des armes et munitions vers les groupes armés ;

3. Le renforcement de la collaboration et de la confiance entre civils et militaires car aucune guerre ne peut se gagner sans confiance de la population ;

4. L'accélération du DDR volontaire et forcé pour contraindre les groupes armés à la reddition ;

5. La reconstruction des zones affectées par les violences et la mise en place des projets durables susceptibles de procurer de l'emploi aux jeunes qui, faute d'encadrement, sont devenus une main-d'oeuvre aux mouvements subversifs ;

6. La restauration et le renforcement de l'autorité de l'Etat pour éviter que de nouveaux groupes armés se forment du fait de la vacuité et de la déshérence du pouvoir ;

7. Le rétablissement de la cohésion intercommunautaire rompue à cause de l'instrumentalisation des milices à des connotations tribales responsables des massacres des membres membres d'autres communautés, le cas de l'Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ;

8. La mise en place d'une justice transitionnelle chargée de réprimer tous les responsables des crimes durant ces conflits ;

9. Une diplomatie à la fois agissante et proactive pour contrôler et dissuader les réseaux extérieurs qui soutiennent les groupes armés en RDC.

Une opinion

Ronsard Luabeya
Répondre

Merci Cher Remy pour vos propositions.