RDC : la fistule, une maladie qui décime les femmes

Article : RDC : la fistule, une maladie qui décime les femmes
Crédit: Wiki commons
28 septembre 2021

RDC : la fistule, une maladie qui décime les femmes

Savez-vous que des dizaines de femmes en République démocratique du Congo souffrent de la fistule. Une enquête démographique et de santé, menée en 2007, révèle que près de 42.000 femmes sont porteuses de la maladie. Aujourd’hui, le nombre a forcement augmenté. Dépourvues d’une bonne information sur le traitement de la maladie, la plupart des femmes pensent que la maladie n’est pas curable. Elles sont alors condamnées à vivre seules, loin des autres. Elles ont peur de parler de leur malheur, car cela leur suscite honte et méfiance.

J’ai décidé d’aborder le sujet car le problème est vraiment sérieux. Au Kasaï-Oriental, où je vis, des dizaines de femmes en souffrent. Mais cela reste méconnu du grand public. Le jeudi 23 septembre dernier, j’ai assisté, comme journaliste, à la cérémonie de remise des kits de dignité aux femmes opérées et guéries de la fistule. Ces kits sont un don du Fonds des nations unies pour la population (UNFPA).

La fistule n’est pas bien connue chez beaucoup de gens, puisqu’on en parle peu. Et parfois, certains considèrent que c’est une question qui ne concerne que les médecins et les organisations non gouvernementales. D’autres estiment que celles qui en souffrent subissent la malédiction, ou qu’elles ont commis un forfait et qu’elles doivent en assumer les résultats. Que de fantasmes pour beaucoup sans savoir que c’est une vraie souffrance que vivent ces femmes.

Comment j’ai eu mal !

Devant moi, c’est une jeune fille, 18 ans. Elle vient du village. Elle est arrivée à la Fistula clinic depuis trois mois pour être soignée. A 15 ans, elle raconte qu’elle a été mariée. Et quelques mois plus tard, elle est tombée enceinte. Elle a cru que tout allait bien se passer. Certes, elle donne naissance à un enfant au bout de neuf mois. Mais l’accouchement n’a pas été facile pour une enfant de cet âge. Que c’est triste !

« Après la naissance de mon enfant, j’ai souffert pendant trois ans. Je n’ai même pas su m’occuper de lui. J’ai fréquenté plusieurs hôpitaux sans solutions. Une fois, j’ai suivi à la radio qu’un centre de santé soigne les femmes de la même condition que moi. Je suis arrivée et j’ai été rapidement prise en charge. Je suis maintenant bien. Je suis totalement guérie », raconte la jeune femme.

Angel Ngalula fait partie des femmes guéries de la fistule. Pendant 17 ans, elle a souffert sans savoir à quel saint se vouer. Les yeux pleins de larmes, elle dit avoir subi l’humiliation et la honte durant toutes ces années, avant de découvrir que sa maladie était curable.

« J’étais tombée enceinte à un moment donné. Cette grossesse allait me faire périr. J’ai donné naissance par césarienne. Au sortir de l’hôpital, j’avais rendu grâce à Dieu parce que l’enfant et moi étions vivants. Lorsque je suis arrivée à la maison, j’ai constaté que je ne pouvais plus contrôler l’écoulement de l’urine. Je me disais que c’était le diabète, alors que Dieu m’a déjà sauvée. J’ai souffert pendant 17 ans. Mon mari m’avait rejeté. Il s’irritait contre moi tous les jours. Mais quand j’ai suivi le communiqué de Jean-Pierre Lukusa, disant qu’il soigne les femmes dans la même situation. Je suis venue. Aujourd’hui, je suis en bonne santé. J’ai retrouvé le sourire », explique la femme.

Pendant des mois, comme Angel, plusieurs ont bénéficié des soins gratuits dans cette clinique. Abandonnées par leurs communautés à cause de leur état, ces femmes disent avoir retrouvé le sourire.

Un bon signal

Il y a quelques mois, la province du Kasaï-Oriental venait d’être dotée de la Fistula clinic pour prendre en charge les femmes porteuses de la fistule. Ce qui est un bon signe. Mais le défi reste grand. Les femmes qui en souffrent sont nombreuses. C’est souvent celles qui viennent des milieux ruraux. Dans ces milieux, elles ne bénéficient pas de soins de santé de qualité. Car les centres de santé ne sont pas équipés, et même, on n’y retrouve pas un personnel qualifié. Ce qui augmente les complications lors de l’accouchement.

À mon avis, une clinique n’est pas suffisante. Le Kasaï-Oriental fait partie des provinces qui enregistrent plus de cas. Cela est par exemple lié au fait que les jeunes filles soient mariées avant l’âge de 18 ans. Selon une étude, 35% des filles sont mariées précocement. Alors que les filles qui se trouvent dans ces situations ont plus de chance de porter la maladie.

La fistule apparait souvent lors des grossesses à risque. Elle se manifeste par l’écoulement incontrôlé de l’urine ou l’excrétion des matières fécales chez les femmes. Frappées par cette tragédie, elles sont abandonnées par leurs communautés. Et elles n’espèrent pas trouver du travail ou reprendre leur vie familiale. Depuis 2005, la RDC a lancé sa campagne pour une prise en charge de femmes congolaises souffrant de cette infirmité.

Ronsard Luabeya

Étiquettes
Partagez

Commentaires