RDC : la peur de la population de Luabala face à la violence d’un chef coutumier

Article : RDC : la peur de la population de Luabala face à la violence d’un chef coutumier
Crédit: Wiki commons
5 avril 2022

RDC : la peur de la population de Luabala face à la violence d’un chef coutumier

Au Kasaï oriental, plus de 200 habitants du village de Luabala, dans le territoire de Lupatapata, s’étaient déplacés vers la ville de Mbujimayi, fuyant les conflits coutumiers qui ont causé la mort deux policiers et trois civils. Les autorités provinciales et nationales étaient intervenues pour calmer la situation. Et les habitants ont finalement rejoint leur village après plus d’un mois passé dans la ville diamantifère.

Depuis janvier 2022, un chef coutumier venu de la province voisine de la province du Kasaï central malmène la population du village de Luabala, se trouvant à l’autre rive. Tshingeleshi, c’est son nom. C’est lui qui, traversant la rivière Lubilanji, a conduit une milice responsable des massacres dans cette contrée. D’après les habitants qui avaient fui ces conflits vers Mbujimayi, ce n’est pas la première fois, pour ce chef, d’agresser les villageois. Ils disent qu’il a hérité ce comportement de son père qui s’était aussi illustré par les mêmes actes. Cela fait plus de vingt ans que cela dure. Impuissants, ces habitants du village de Luabala font face à toutes ces agressions.

«Nous avons vu sa milice venir dans nos champs pour nous chasser. Elle tabasse certains et torture les autres. Elle ravit même des biens, avec des armes et des couteaux et machettes», fait savoir Théodore Tshisuaka, 52 ans. Cet homme a fui la violence avec toute sa famille vers Mbujimayi, chef-lieu de la province du Kasaï oriental. A plus de 50 Kilomètres du village où il vit. Ce qui, selon lui, est une expérience assez difficile. Il rappelle que dans ses habitudes, le chef coutumier se pointe souvent à l’occasion de la récolte. Avec sa milice, il impose aux habitants de lui verser une taxe qui correspond, en effet, à des dizaines de sacs de maïs ou de haricots.

« Nous, nous sommes des cultivateurs. Nous sommes allés là pour cultiver. Tshingeleshi a quitté le Kasaï central pour s’installer au Kasaï oriental. Il contrôle cette partie là…Monsieur Tshingeleshi demande 500.000 FC comme frais d’achat des portions de terre que nous cultivons»,  explique Dilens Dilenga, un autre déplacé.

Une nouvelle attaque sur Luabala

Février 2022, le chef Tshingeleshi attaque un groupe de villageois aux champs. Il prend en otage quelques personnes et les autres réussissent à prendre fuite. L’administrateur du territoire est alors alerté et remonte l’information aux autorités provinciales une semaine après. La raison c’est que la zone ne bénéficie pas d’une couverture téléphonique pour permettre l’information de façon immédiate. L’administrateur du territoire doit se déplacer vers Mbujimayi pour relater les faits à la gouverneure intérimaire du Kasaï oriental Jeannette Longa.

Celle-ci réunit immédiatement un conseil de sécurité et saisit le ministre national de l’intérieur et affaires coutumières, Daniel Aselo. Pendant qu’il y a une mobilisation des autorités provinciales autour de la question, ce chef coutumier opère une autre attaque. Selon la police, il réussit à installer une embuscade et trois policiers, dont un commandant malheureusement tué, vont tomber dans le coup. Il garde le corps de la victime, exigeant des négociations avec les autorités policières avant la remise.

Lorsque ces faits ont eu lieu, la gouverneure intérimaire Jeannette Longa a été convoquée à Kinshasa pour expliquer les contours du problème. Pendant son séjour, elle apprend qu’une autre attaque a été menée. Pour elle, il faut absolument arrêter le bourreau. A son arrivée sur la ville de Mbujimayi, elle multiplie des conseils de sécurité avec les responsables de l’armée et de la police. Elle craint, tout de même, que les conflits ne dégénèrent pas. Car la région du Kasaï reste encore fragile. La guerre de Kamuena Nsapu a causé beaucoup de dégâts, qui ont impactés négativement la vie de plusieurs habitants. A l’issue de multiples conseils de sécurité, Jeannette Longa se résout d’envoyer l’armée et la police dans la zone pour maintenir.

Déplacement des populations vers Mbujimayi

Et même là, le village est devenu invivable. Tous les habitants se sont déplacés vers Mbujimayi, le chef-lieu de la province du Kasaï oriental. Ici, alors que les autorités provinciales peinent à barrer cette insécurité, des besoins humanitaires commencent à se poser. Les déplacés vivent à la belle étoile. Les autorités locales semblent dépassées. Comme premières solutions, elles aménagent des abris spéciaux sur l’esplanade de la Mairie de Mbujimayi et appellent les organisations humanitaires à leur venir en aide.

Au cours de la même période, le chef Tshingeleshi est en fuite. Certains de ses complices sont arrêtés par les renforts militaires envoyés dans la zone par la gouverneure intérimaire. Selon la police qui communique alors les informations, l’homme a pu traverser la rivière Lubilanji pour se réfugier dans son village, où il est reconnu chef dans le territoire de Dimbelenge. Grâce à la complicité, la police et l’armée du Kasai central tentent de le traquer et finissent par l’arrêter. D’après l’armée, l’homme a été directement conduit à la prison de Makala à Kinshasa, en attendant que la justice se saisisse de l’affaire. Le calme semble revenu, d’après le ministre provincial des affaires sociales, Célestin Kadima qui va annoncer le retour de la population dans sa contrée.

Retour des déplacés à Lualaba

Entendre que la paix est instaurée et que l’on ne fera plus l’objet des menaces du chef Tshingeleshi, c’était la bonne nouvelle que les habitants du village de Luabala attendaient des autorités. Pressés de retrouver leur village, ils ont émis le vœu de reprendre leurs travaux champêtres après un mois passé à Mbujimayi. Finalement, c’est ce dimanche 27 mars que le ministre provincial des actions humanitaires Célestin Kadima a facilité leur retour. Plus de 200 habitants avaient la joie de rentrer enfin chez eux. Jeunes et vieux, hommes et femmes certaines allaitantes, disent avoir passé des moments difficiles à Mbujimayi. Dans la capitale diamantifère, ils avaient envahi la cour de la mairie pour rencontrer l’autorité urbaine, afin de leur faciliter le retour sécurisé dans leur village. Ils ont dit la joie de retrouver leur village afin de poursuivre les travaux champêtres.

Ronsard Luabeya

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